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(Article paru dans le quotidien montréalais Le Devoir)
31 janvier 2014 | Claude Lévesque | Actualités internationales


Les experts de l'Institut des sciences, des technologies et des études avancées d'Haïti prêtent main forte aux institutions locales pour regarnir la population de cerveaux


Quatre ans après le séisme qui l'a dévastée, Haïti a tout autant besoin, pour se relever, d'investissements dans son capital humain que dans le béton.
 
C'est dans cette optique que l'Institut des sciences, des technologies et des études avancées d'Haïti (ISTEAH), qui vient de conclure la première session de son existence, a été créé par des scientifiques de la diaspora avec des collègues d'Amérique du Nord, des États-Unis et d'Europe, ainsi que des partenaires qui vivent en Haïti. Il vise à y former 1000 scientifiques de niveau universitaire en dix ans, c'est-à-dire à en doubler le contingent.
 
Cette " initiative majeure " a été lancée pour pallier un manque criant de spécialistes dans l'île, explique Samuel Pierre, professeur à l'École polytechnique de Montréal et président du GRAHN-Monde (Groupe de réflexion et d'action pour une Haïti nouvelle), dans un entretien avec Le Devoir.
 
" Haïti vit de l'aide internationale et ne crée pas de richesse. C'est son problème depuis 1804. Pour créer de la richesse, il faut valoriser le savoir. L'ISTEAH renforcera les capacités des universités haïtiennes et dotera le pays de la masse critique de scientifiques et d'ingénieurs, mais renforcera aussi les capacités associatives et le développement économique ", explique l'universitaire.
 
Ce dernier a constaté que le Québec, avec ses 8,5 millions d'âmes, dispose de 10 000 professeurs de niveau universitaire dans les disciplines scientifiques alors qu'Haïti, avec une population de 10,5 millions, n'en compte que 1000, qui n'enseignent pas tous à plein temps et dont 10 % seulement détiennent des doctorats. " Il y a un fossé à combler ", a poursuivi Samuel Pierre, quoi voit dans l'ISTEAH " une manifestation de solidarité de peuple à peuple ".
 
L'ISTEAH a reçu, entre autres, l'appui de l'Université de Lyon, du collège Dartmouth, au New Hampshire, et de la TELUQ, le réseau d'enseignement à distance de l'Université du Québec. Le Centre de recherche sur le développement international (CRDI), un organisme fédéral, lui a récemment accordé du financement.
 
" La science et la technologie sont nécessaires pour le développement d'une nation. Avec la Révolution tranquille, le Québec a pris les moyens pour se développer grâce à ses universités. C'est aussi le choix qu'on fait le Brésil, Singapour Taïwan ", fait remarquer Samuel Pierre.
 
61 étudiants
 
Une soixantaine de professeurs se sont joints à l'ISTEAH à titre bénévole et à temps partiel. Ils donnent la majorité de leurs cours par vidéoconférence, mais en dispensent aussi un certain nombre sur place pendant de courtes périodes, dans des campus existants à Port-au-Prince, à Jacmel, à Hinche et au Cap-Haïtien.
 
Une première cohorte de 50 étudiants était prévue pour la première session du nouvel Institut. Vu la qualité des candidatures, elle en compte 61, venus des quatre coins du pays. Ils visent la maîtrise, le doctorat ou le diplôme d'études supérieures spécialisées.
 
Pierre Djympson Chery fait partie de ces étudiants. Détenteur d'une maîtrise en science de l'éducation, il est candidat au doctorat dans cette discipline. Il se destine à la conception et à la mise en place de projets éducatifs.
 
Interrogé sur l'état de l'éducation en Haïti, il répond : " Oh là là ! ", avant de décrire un pays où presque toutes les institutions sont privées et pas toujours dotées d'enseignants qualifiés. Pour la petite enfance, les écoles publiques sont inexistantes ; au primaire, c'est 80 % de l'offre qui est assurée par le secteur privé, dit-il. " Cela se traduit par des difficultés financières pour la majorité de la population, sans compter que les écoles nationales n'ont pas toujours la capacité d'accueil nécessaire. Il y a donc plusieurs catégories d'écoles et une éducation à deux vitesses. Un jeune en dernière année du secondaire ou à l'université fait déjà partie de l'élite. "
 
Irving Julien, qui réside à Cap-Haïtien, se destine à une carrière de professeur de chimie. " Le véritable problème en est un de compétence, dit-il. Il y a des professeurs qui enseignent dans les facultés privées, qui n'ont même pas de licence, et qui forment des étudiants à distance. On se demande si on a vraiment une formation solide dans ces institutions. On ne respecte pas toujours le nombre d'heures qui devraient être attribuées à une matière. "
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